J.O. 147 du 27 juin 2007       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

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Avis n° 2007-A-2 du 22 juin 2007 de la Commission des participations et des transferts relatif à une cession sur le marché de titres de France Télécom


NOR : ECET0758257V



La commission émet l'avis suivant :

I. - Par lettre du 21 juin 2007, la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi a saisi la commission en vue de la mise en oeuvre d'une opération de marché sur le capital de la société France Télécom, actuellement détenue à hauteur de 32,4 % par l'Etat français et l'ERAP.

L'opération envisagée consiste dans la cession sur le marché d'une partie des actions détenues par l'Etat ou l'ERAP, pour un volume compris entre 2,5 et 4 milliards d'euros.

Les actions cédées sur le marché font l'objet d'un placement privé auprès d'investisseurs institutionnels français et internationaux, conduit par un syndicat bancaire qui en garantit la bonne fin en termes de volume et de prix minimum.

II. - L'article 7 de la loi no 2003-1365 du 31 décembre 2003 a ajouté France Télécom à la liste, annexée à la loi no 93-923 du 19 juillet 1993, des entreprises dans lesquelles les participations de l'Etat seront transférées au secteur privé. Le transfert au secteur privé de France Télécom a été autorisé par le décret no 2004-387 du 3 mai 2004 et a été réalisé par une cession d'actions sur le marché intervenue le 1er septembre 2004.

Les cessions d'actions de France Télécom sont réalisées dans le cadre du titre II de la loi no 86-912 du 6 août 1986 conformément à l'article 1er (1-III) de la loi no 90-568 du 2 juillet 1990, modifié par l'article 7 de la loi du 31 décembre 2003 susvisée, qui dispose que la part détenue par l'Etat dans le capital de France Télécom est déterminée en tenant compte de la participation directe et indirecte (via l'ERAP) de l'Etat.

Conformément à l'article 11 de la loi du 6 août 1986 modifiée susvisée, des titres seront proposés aux salariés dans la limite de 10 % des actions cédées. La commission émettra un avis distinct sur cette offre réservée aux salariés.

L'Etat français, directement ou à travers l'ERAP, détient aujourd'hui 32,4 % du capital de France Télécom. Sa participation ne serait pas inférieure à 25 % après la réalisation de l'opération.

En mars 2003, France Télécom avait émis des titres à durée indéterminée remboursables en actions (TDIRA) réservés aux créanciers de MobilCom et sur lesquels la commission avait émis l'avis no 2003-AC-1. Certains de ces titres ont été rachetés par France Télécom. Le remboursement éventuel des titres non rachetés ainsi que l'exercice d'autres instruments ouvrant potentiellement droit au capital (OCEANE) entraîneraient une dilution de la participation de l'Etat. Cependant, dans les conditions de marché actuelles, ces titres sont « hors de la monnaie ».

III. - Le groupe France Télécom est l'opérateur téléphonique historique en France. Il propose l'ensemble des services de télécommunications aux particuliers, aux entreprises et aux opérateurs professionnels : téléphonie fixe et mobile, internet, multimédia, transmission de données. Au 31 décembre 2006, il sert dans le monde 158 millions de clients dont la majorité sont hors de France.

Depuis 1998, le groupe a mené une politique active d'expansion à l'international de son activité qui s'est en dernier lieu traduite par l'acquisition en 2005 de l'opérateur mobile espagnol Amena et en 2006 de Jordan Telecom. Viennent d'être annoncés de plus l'achat de Ya.com (spécialisé dans l'ADSL) en Espagne et, en consortium avec Mid Europa Partners, celui de One GmbH, troisième opérateur mobile en Autriche. Dans le même temps, France Télécom a engagé le processus de cession de sa filiale Orange aux Pays-Bas.

Depuis le 1er janvier 2005, et suite à la cession de Pages Jaunes en 2006, le groupe présente son activité en trois segments, en vue de mieux en traduire l'évolution :

- « Services de communication personnels » (48 % du chiffre d'affaires en 2006) rassemble les activités de téléphonie mobile principalement exercées par Orange en France (où il détient 46,6 % du marché au 31 décembre 2005), au Royaume-Uni (22,1 % du marché) et en Espagne (23,7 % du marché) et par le groupe TP en Pologne (33,8 % du marché) ;

- « Services de communication résidentiels » (39 % du chiffre d'affaires) réunit les activités de services fixes qui comprennent la téléphonie fixe, internet (où le développement du haut débit est un axe prioritaire), et les services aux opérateurs pour leur procurer l'interconnexion ; ces activités, à l'origine essentiellement exercées en France (plus de 60 % du marché) et en Pologne (groupe TP avec plus de 70 % du marché), sont en développement au Royaume-Uni pour permettre des offres multiservices haut débit sur les lignes téléphoniques dégroupées ;

- « Services de communication Entreprises » (13 % du chiffre d'affaires) rassemble les services aux entreprises en France (téléphonie fixe, réseaux de données et réseaux d'entreprise) et les services mondiaux ; les offres de services personnalisés sont développées.

Le modèle de développement retenu par France Télécom consiste à être un opérateur présent sur l'ensemble des supports (téléphone fixe, mobile et internet) et qui propose à ses clients une offre intégrée de services, dans toutes les situations et quel que soit le réseau ou le terminal utilisé. Cette stratégie s'appuie sur le programme de transformation NExT lancé en juin 2005.

IV. - L'exercice 2006 s'est inscrit dans la ligne de l'exercice précédent et a atteint ou légèrement dépassé les objectifs révisés en matière de cash-flows et de résultats.

Le chiffre d'affaires consolidé s'est élevé à 51,7 milliards d'euros soit une hausse de 1,2 % par rapport à l'exercice 2005 en données pro forma (périmètre comparable) et une hausse de 7,5 % en données historiques. Cette croissance résulte de la forte progression des services mobiles d'Orange, notamment en Espagne (+ 4,1 %), et de TP en Pologne (+ 17,2 %) ainsi que dans d'autres pays à fort potentiel de croissance. Le développement très rapide de l'internet à haut débit (+ 30 % d'accès haut débit ADSL et doublement du nombre de « Livebox ») a permis par ailleurs, pour une large part, de compenser la baisse de la téléphonie fixe classique qui s'est poursuivie. Les services aux entreprises ont été affectés par le recul de la téléphonie fixe et des services de données classiques.

Le recul de 1,4 point du ratio de la marge brute opérationnelle par rapport au chiffre d'affaires est principalement attribuable à la diminution du chiffre d'affaires des services « résidentiels » et « entreprises » et à l'augmentation des charges liées au développement des nouvelles activités.

Le résultat d'exploitation de 7 milliards d'euros a enregistré par rapport à 2005 une forte baisse de 33 % principalement suite à la dépréciation pour 2,9 milliards des écarts d'acquisition et des actifs immobilisés.

Le cash-flow organique s'est élevé à 7,16 milliards d'euros en 2006, en réduction de 4,3 % du fait des investissements.

Le résultat net, part du groupe, pour l'exercice 2006 s'établit à 4,1 milliards d'euros, en réduction de 27,5 % par rapport à 2005 en raison des dépréciations d'actifs qui ont été enregistrées. Hors éléments non récurrents, il aurait été pratiquement stable. France Télécom a décidé le versement au titre de l'exercice d'un dividende de 1,2 euro par action.

Le bilan consolidé de France Télécom au 31 décembre 2006 fait apparaître des fonds propres de 31,6 milliards d'euros, en hausse de 11 %. Le montant de l'endettement financier net s'est inscrit à 42 milliards d'euros (- 12 %), grâce au cash-flow dégagé par l'activité et grâce à la cession de Pages Jaunes. Le groupe a ainsi amélioré sa structure financière. Malgré les dépréciations constatées, les écarts d'acquisition nets inscrits à l'actif du bilan demeurent cependant à un niveau toujours très élevé (31,5 milliards d'euros) du fait des acquisitions antérieures. La valeur de ces écarts fait l'objet d'un examen annuel.

Le premier trimestre de 2007 s'inscrit dans la continuité de l'exercice 2006, faisant apparaître une hausse de 1,8 % du chiffre d'affaires consolidé grâce à la forte croissance des services de téléphonie mobile et à la progression de l'ADSL qui a limité le recul du fixe. Le taux de marge brute opérationnelle par rapport au chiffre d'affaires a été stabilisé grâce à la maîtrise des coûts.

V. - Lors de l'annonce de ses résultats annuels le 1er février et le 6 mars derniers, France Télécom a indiqué que son objectif pour 2007 est de maintenir sa génération de cash-flow organique au même niveau qu'en 2006, soit 6,8 milliards d'euros (après prise en compte de la cession de Pages Jaunes). Il a précisé que « dans un contexte de légère croissance des principaux marchés du groupe, cet objectif repose sur le maintien du taux d'investissement au niveau de 2006 et sur une quasi-stabilisation du taux de marge brute opérationnelle grâce à l'accentuation du programme de réduction et d'optimisation des coûts en cours ».

Ces objectifs ont été confirmés à l'occasion de l'annonce des résultats du premier trimestre 2007.

La maîtrise des coûts devrait être obtenue grâce à la réduction nette des effectifs (supérieure à 20 000 d'ici à 2008), à la contraction des dépenses relatives au réseau et aux systèmes d'information et aux économies sur les dépenses commerciales que devrait notamment procurer l'adoption d'Orange comme marque unique.

En juin 2005, France Télécom a présenté le programme du groupe pour les trois années 2006 à 2008 (« NExT ») avec l'objectif de permettre aux clients d'accéder à un univers de services enrichis et simplifiés et au groupe de poursuivre sa transformation d'opérateur intégré soutenu par un modèle renouvelé de croissance. Les principaux éléments du programme NExT sont les suivants :

- la simplification des services au client et de l'architecture de marque (déploiement d'un portail unique, unification du service client, regroupement de la téléphonie mobile et de tous les services pour les entreprises sous la marque Orange) ;

- l'offre de nouveaux services convergents et innovants tant pour les particuliers (visiophonie, loisirs) que pour les entreprises (accès partout et à tout moment aux applications et services professionnels : « Business Everywhere ») ;

- la fixation à horizon 2008 de nouveaux objectifs opérationnels et financiers.

VI. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation de France Télécom en recourant à une analyse multicritères qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.

Pour ses travaux, la commission a disposé d'un rapport de la banque conseil de l'Etat qui a été établi en mars 2007 après l'annonce des résultats de l'exercice 2006. En vue de conserver la totale confidentialité de l'opération envisagée, il n'a pas été demandé de nouveau rapport, les résultats du premier trimestre 2007 étant par ailleurs en ligne avec les évolutions antérieures.

La banque conseil utilise principalement les méthodes suivantes :

- l'actualisation des flux futurs de trésorerie : le plan d'affaires a été établi sur la base d'un consensus de prévisions d'analystes pour la période 2007 à 2010 puis extrapolé par la banque jusqu'en 2014. La valeur terminale, qui représente environ la moitié de l'évaluation, a été déterminée par actualisation à l'infini d'un flux normatif 2014 avec l'hypothèse d'un taux de croissance à l'infini de 1 %. La dette financière nette a été évaluée en valeur de marché.

La banque a procédé à une double analyse de la sensibilité de l'évaluation de France Télécom aux hypothèses retenues : elle a, d'une part, testé la sensibilité aux variations des paramètres financiers (taux d'actualisation et croissance à l'infini) et elle a, d'autre part, analysé la sensibilité aux principaux facteurs opérationnels susceptibles d'affecter les marges (pression concurrentielle accrue, baisse des tarifs) ;

- les comparaisons boursières : les multiples résultant de la capitalisation des sociétés comparables ont été appliqués aux agrégats correspondants de France Télécom. Les multiples qui ont été jugés les plus significatifs par la banque sont ceux d'excédent brut d'exploitation (EBITDA) et de flux de trésorerie opérationnels (EBITDA moins investissements). Quatre sociétés cotées européennes du secteur des télécommunications ont été retenues comme comparables à France Télécom : Deutsche Telekom, KPN, Telecom Italia et Telefónica ;

- la banque a procédé par ailleurs à l'examen de l'évolution du cours de bourse de France Télécom sur différentes périodes de référence et elle a présenté les travaux des analystes des grandes institutions financières ainsi que leurs objectifs de cours.

La banque a écarté les autres méthodes d'évaluation, notamment par somme des parties, observant que cette approche, souvent utilisée dans le passé, n'est plus conforme à la stratégie d'opérateur intégré définie par le groupe.

La banque conclut qu'au sein des différentes fourchettes d'évaluation résultant des méthodes appliquées l'approche par l'actualisation des flux de trésorerie est la plus pertinente pour apprécier la valorisation intrinsèque à moyen terme de France Télécom. Elle est cohérente avec les cours de bourse observés sur les derniers mois.

VII. - La commission a examiné l'évolution du cours de bourse de France Télécom sur les douze derniers mois. Après avoir baissé fortement depuis l'été 2005 jusqu'à un plus bas inférieur à 16 EUR à mi-août 2006, notamment à la suite de deux avertissements sur les résultats, le cours de l'action s'est ensuite nettement repris, porté par le marché, pour repasser au-dessus de 20 EUR à partir de novembre 2006. A mi-janvier 2007, il atteignait 22 EUR mais se repliait peu après avec l'ensemble du marché. Depuis avril, le cours s'est repris et il évolue depuis ces dernières semaines dans la fourchette de 21 à 22 EUR (hors coupon). Sur un an, par rapport à un point de départ historiquement bas il est vrai, le cours a gagné 25 % et a réalisé une performance voisine de celle de l'indice CAC 40.

Par rapport à ses comparables les plus proches, France Télécom a réalisé une performance sur un an meilleure que celle de Deutsche Telekom (en hausse de 10 %) et en permanence très corrélée à celle de Telefónica (en hausse de 27 %).

La procédure de cession choisie, un placement privé garanti par un syndicat bancaire quant à sa bonne fin et à son prix, paraît être, dans les conditions actuelles du marché, un moyen approprié d'atteindre les objectifs recherchés, d'assurer le succès de l'opération et d'obtenir un prix satisfaisant pour l'Etat.

Les principaux facteurs positifs pour France Télécom relevés en général par les analystes financiers sont la bonne performance sur le marché domestique, les effets attendus des réductions de coûts en cours grâce au programme NExT, les potentialités d'Amena en Espagne et les relais de croissance possibles dans les pays émergents.

Les principaux risques mentionnés concernent l'intensité de la concurrence (particulièrement sur le haut débit en France et le mobile au Royaume-Uni), les difficultés du pôle entreprise (Equant), la migration de la téléphonie voix vers internet (IP) et une structure financière encore lourde (endettement et écarts d'acquisition élevés). En moyenne, les analystes financiers émettent des recommandations positives et la plupart fixent des objectifs de prix supérieurs au cours de bourse actuel.

La commission observe que France Télécom a défini très tôt, par rapport à ses concurrents, une stratégie d'opérateur intégré qui produit ses premiers fruits. Les programmes successifs de maîtrise des coûts et d'augmentation du cash-flow opérationnel soutiennent la rentabilité du groupe et confortent progressivement sa situation financière.

Cependant, l'avenir du groupe reste dépendant des incertitudes qui affectent le secteur, et particulièrement les opérateurs historiques, du fait de l'évolution technologique rapide et d'un contexte caractérisé par une vive concurrence sur les différents marchés et une pression à la baisse des tarifs et donc des marges.

VIII. - Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et au vu des informations qui lui ont été communiquées ainsi que des données les plus récentes du marché, la commission estime que la valeur de France Télécom ne saurait être inférieure à 19,5 euros par action, soit globalement à 50,83 milliards d'euros pour 2 606 673 130 actions composant le capital social.



Le président,

F. Lagrange